Et si la Palestine, à l’image du rêve de Jean Vanier, devenait ce « monde d’amour où les hommes n’auront plus peur les uns des autres » ? Malgré les tensions palpables dans le pays, c’est un peu le sentiment que nous avons eu en découvrant « Ma’an lil-Hayat », la communauté palestinienne de l’Arche qui accueille à Bethléem des personnes souffrant d’un handicap mental. Retour sur une rencontre unique à deux pas de la Basilique de la Nativité.

En quête des pierres vivantes de l’Église
Effectuer un pèlerinage en Terre Sainte, c’est -fascinés par l’idée que « tel événement s’est déroulé à tel endroit précis »- courir le risque de perdre de vue l’actualité du message derrière la sainteté des lieux.
Par exemple, impossible pour des chrétiens de se rendre à Bethléem sans se recueillir dans la Basilique de la Nativité. Mais en visitant l’étable où Dieu est venu parmi les Hommes sous la forme d’un nouveau-né, nous laissons-nous toucher par le message fondamental du Christ à cet endroit : aimer son prochain et en particulier accueillir les plus vulnérables ?
Dans cette perspective, venir en aide aux personnes handicapées prend un sens tout particulier à Bethléem. C’est pourquoi, à peine sortis du sanctuaire, nous nous sommes mis à la recherche de la communauté locale de « L’Arche », l’association chrétienne mondialement connue créée par Jean Vanier pour venir en aide aux personnes en situation de handicap mental.
À quelques minutes de marche de la Basilique, se trouvent les locaux de la communauté appelée « Ma’an Lil Hayat » (« Ensemble pour la vie » en arabe). Nous y sommes accueillis par Amal, une Palestinienne d’une cinquantaine d’années qui, loin de paraître surprise par notre visite, nous propose spontanément de nous joindre aux activités des handicapés, ce que nous acceptons avec joie.

L’accueil par le travail
À l’étage, nous faisons la connaissance d’Aman, Hélène, Meriem et bien d’autres. Ils nous expliquent que la communauté accueille des personnes souffrant d’un handicap mental dans un but triple : la thérapie par l’activité manuelle, l’intégration sociale via des activités en groupe et une meilleure autonomie financière.
Comment ? Par le travail ! Et pas n’importe lequel puisqu’avec l’aide des animateurs, les handicapés utilisent la laine des moutons de Bethléem pour fabriquer des décorations : boules de Noël, crèches, petits moutons… L’équipe traite des commandes de plusieurs centaines d’exemplaires qui viennent du monde entier ! Les assistants veillent d’ailleurs à ce que chacun effectue une tâche à laquelle il prend plaisir, en tenant compte de ses capacités et de ses talents. On retrouve ici la conviction de Jean Vanier : chacun a des capacités qui lui permettent de contribuer de manière unique à la société.
Nous-mêmes sommes immédiatement intégrés à l’atelier, ce qui nous permet d’échanger avec les handicapés en sollicitant leur aide, malgré la barrière de la langue.


L’accueil par l’amour
Ce temps passé dans leur quotidien nous a permis de constater la joie que les membres de la communauté tirent, non seulement du fait d’être ensemble, entourés par des personnes aimantes et attentionnées, mais du fait qu’ils se sentent utiles par le travail qu’ils accomplissent.
Dans la vie de cette communauté c’est toute la beauté de l’amour qui se manifeste, en ce qu’il met en commun la vie des personnes handicapées et non-handicapées, des chrétiens et des musulmans sans distinctions.
Amal, particulièrement, incarne ce message de fraternité très fort. Sa tendresse, son rayonnement sa douceur maternelle envers les handicapés sont bouleversants dans un pays aussi déchiré.

© TTS
Nous échangeons également avec Hélène, une autre bénévole dont le frère handicapé est accueilli depuis des années au sein de la communauté. Elle nous raconte que, dès le lycée, elle s’est investie auprès de l’Arche en y consacrant ses weekends et ses vacances. Depuis qu’elle a fini ses études, elle y travaille à plein temps en tant qu’assistante. Elle nous confie qu’elle accompagnera bientôt certains jeunes handicapés pour un voyage en Allemagne qu’ils attendent avec impatience.
Nous n’avons passé qu’une après-midi à Ma’an lil-Hayat. Néanmoins nous en sommes repartis avec le sentiment d’avoir touché, à Bethléem, non-seulement la pierre de l’étable mais aussi les pierres vivantes de Terre Sainte. En étant intégrés aux ateliers, aux récréations de la journée, en échangeant avec les bénévoles et les handicapés, nous avons eu le sentiment de dépasser le seul lieu pour en vivre le message de Jésus parmi nous : celui de l’amour qui unit tous les Hommes.
Marie-Alix (texte) & Louis (photos) pour la Tribune de Terre Sainte


