Rendez-vous du 24 octobre 2017 au 21 janvier 2018 : « Lieux saints partagés, Coexistences en Europe et en Méditerranée » au Musée national de l’histoire de l’immigration, Palais de la Porte Dorée, 293, avenue Daumesnil, 75012 Paris.
En Europe et en Méditerranée, la question des identités religieuses est l’une des plus sensibles du XXIe siècle. Pourtant, depuis leurs origines, les trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) partagent des croyances, des pratiques, des figures tutélaires et des sanctuaires.
Conçue à partir d’enquêtes anthropologiques, l’exposition invite à découvrir ces phénomènes, rarement mis en valeur, et qui concernent pourtant des millions de croyants.
À la manière d’un pèlerinage, dont le point de départ serait Jérusalem, l’exposition chemine vers l’Europe continentale en passant par différentes îles et rivages de la Méditerranée, dans un parcours jalonné de portraits de “bâtisseurs de paix” qui sont les facilitateurs du partage.
Une première version de Lieux saints partagés a été conçue au Mucem à Marseille en 2015, puis au musée du Bardo à Tunis en 2016. Cette étape est le fruit d’une réécriture complète et d’une nouvelle sélection d’œuvres pour le Musée national de l’histoire de l’immigration.
Une Terre sainte saturée de sens
La Terre sainte est marquée par l’exacerbation des frontières, la concurrence des corporations religieuses et l’enchevêtrement des lieux saints. Leur concentration et leur charge symbolique ont généré des processus d’appropriation et de revendication souvent violents. Toutefois, ces rapports d’hostilité interreligieuse sont aussi liés à des enjeux politiques et territoriaux.
Pendant des siècles, l’Empire ottoman a été une matrice propice au développement d’interactions, d’échanges et de porosités interconfessionnelles qui se sont manifestés au niveau de la religiosité vécue au quotidien. Des relations de “bon voisinage” ont souvent favorisé la fréquentation des mêmes lieux saints dédiés à des figures communes comme Abraham, Élie ou Marie.
Aujourd’hui encore, malgré les tensions politiques entre pays de la région et le durcissement des relations intercommunautaires, on observe des formes de contact et de convergence dans certains sanctuaires emblématiques, lieux de partage mais aussi de partition.
Jérusalem, trois fois sainte
La superposition de ces récits fondateurs explique la concentration des sanctuaires. Cette proximité est source de tensions, un même lieu saint pouvant être reconnu par plusieurs religions pour des raisons différentes. De nos jours, Jérusalem fait l’objet de dissensions politiques entre Israël et la Palestine. Le partage de l’espace public comme celui des lieux saints prend ainsi la plupart du temps la forme d’une partition.
Hébron, partage et partition
Abraham, Sarah et leur descendance auraient été inhumés non loin de là, dans le Caveau des Patriarches, qui, pendant les siècles, a attiré les fidèles des trois monothéismes. Aujourd’hui, les relations entre les pratiquants sont tendues et exacerbées par le conflit israélo-palestinien. Au cœur de la ville d’Hébron, l’édifice est aujourd’hui physiquement divisé : un espace est réservé aux musulmans, l’autre aux juifs, sauf pour dix jours de fêtes religieuses où l’espace est occupé en totalité par l’une ou l’autre confession.
Le mont Carmel, un lieu ouvert
Le mont Carmel, situé au-dessus de la ville d’Haïfa et éloigné des zones de conflit, est un exemple de partage pacifié. D’après la Bible, ce serait le lieu du combat entre le prophète Élie et les adorateurs du dieu Baal. Les musulmans associent Élie au mystérieux personnage islamique Al-Khidr (« Le Verdoyant »), considéré comme un prophète ou un saint qui aurait bu à la source de la vie éternelle, le rendant immortel, comme Élie.
Au pied du promontoire se trouve une grotte où aurait vécu le saint homme. Depuis le Moyen Âge, ce site est partagé par les trois monothéismes, en dépit d’appropriations confessionnelles successives. Aujourd’hui ce sanctuaire est juif, mais toujours également fréquenté par chrétiens, musulmans et druzes, dans une atmosphère apaisée.
Bethléem, autour de la Nativité
Jusqu’aux croisades, l’église comportait une section réservée aux musulmans marquée par un mirhab(espace indiquant la direction de La Mecque). Un nombre important de musulmans fréquente aujourd’hui ce lieu, combinant curiosité et dévotion.
Tel est également le cas de la Grotte du Lait à proximité, où la Vierge Marie aurait allaité : elle est visitée depuis des siècles par de nombreuses femmes chrétiennes et musulmanes pour des demandes liées à la fécondité et à la montée du lait maternel.
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Catalogue de l’exposition
Coexistences. Lieux saints partagés en Europe et en Méditerranée.
Co-édition du Musée national de l’histoire de l’immigration et des Editions Actes Sud, sous la direction de Dionigi Albera et Manoël Pénicaud, 128 pages, octobre 2017, ISBN : 978-2-330-08626-8, 22 €.
Voir un extrait du catalogue
Dans un contexte de durcissement de l’intolérance et des identités, cet ouvrage propose un cheminement visant à désamorcer les préjugés en réaffirmant que l’hétérogénéité n’est pas fatalement source de conflit ni de division. L’objectif est d’offrir un autre récit que celui qui domine aujourd’hui et qui amalgame de plus en plus souvent immigration et radicalisation religieuse. De l’Europe à la Méditerranée, on trouve une riche palette d’interactions et de croisements entre fidèles de confessions différentes, qui n’hésitent pas à franchir parfois la frontière religieuse pour aller prier dans les mêmes sanctuaires, sans pour autant se convertir. Ces mobilités et leurs enchevêtrements génèrent des situations inattendues qui peuvent se traduire par des expériences de coexistence et d’hospitalité de l’“autre religieux”.