Contrairement aux idées reçues, le monachisme chrétien, produit autochtone de l’Orient, ne fut pas l’apanage de la région d’Alexandrie, et l’existence d’anachorètes est attestée dès le IIIe siècle en Palestine, en Syrie et en Mésopotamie. Cependant, c’est à l’Égypte qu’il revint de concevoir ses modalités et d’attirer des pèlerins qui le parèrent d’une aura légendaire.
Le monarchisme occidental dérive directement, dans son esprit et dans ses pratiques, du monachisme oriental qui, en un peu plus de cent ans, au IIIe et au IVe siècles, de saint Antoine à saint Basile, a donné le jour à une extraordinaire floraison de personnalités et d’institutions qui laissent aujourd’hui muet d’admiration. Ce sont ces origines qu’évoque ce premier volume d’une ample fresque dont l’objet est de faire revivre l’une des grandes épopées de l’humanité. Récit littéraire sans étalage d’érudition quoique fondé sur les sources et les études historiques les plus sûres, cet ouvrage met en relief la figure héroïque et attachante des grands fondateurs dont la spiritualité, la pensée et l’œuvre ont eu une influence décisive sur la diffusion et l’approfondissement du message chrétien en Orient.
En Palestine, saint Jérôme, saint Euthyme et saint Sabas
Pour la Palestine, il convient, puisque saint Chariton a déjà été nommé, de dire d’abord quelques mots de saint Jérôme, l’un des plus prestigieux Pères de l’Église, qui fut un des liens entre l’Orient et l’Occident. Haut fonctionnaire à Trèves, il y lut la Vie de saint Antoine, vécut pendant un an dans un ascétère d’Aquilée, gagna la Syrie où il se fit ermite dans une grotte, fut ordonné prêtre en 380 par le patriarche d’Antioche, entra dans le clergé de Constantinople – dont le patriarche était saint Grégoire de Nazianze – et se rendit, en passant par la Palestine, à Rome – où il devint secrétaire du pape saint Damase et directeur spirituel des moniales de l’Aventin, particulièrement sainte Marcelle et sainte Paule. À la mort de Damase, en 384, il retourna en Palestine et se fixa à Bethléem, où il fonda un monastère d’hommes dont il fut l’abbé – tout en vivant dans une grotte voisine de celle de la Nativité – et un monastère de femmes, dont Paule fut abbesse.
Celui qui reste cependant considéré en Orient comme le père du monachisme palestinien est saint Euthyme le Grand. Originaire de Mélitène en Arménie, il fut d’abord intégré dans le clergé de cette ville. En 406, à l’âge de vingt-neuf ans, il alla en pèlerinage en Terre sainte, fut séduit par l’anachorétisme, et demanda son admission dans la laure de Pharan. Estimant que ce régime n’était pas suffisamment solitaire, il s’établit avec son ami Théoctiste dans une grotte sauvage entre Jérusalem et la mer Morte. De nombreux disciples lui vinrent, et ils élevèrent un monastère ; pour eux, l’abbé écrivit une règle. Mais, comme cet abbé était thaumaturge, sa réputation se répandit alentour, et les foules se succédèrent dans sa retraite. Après avoir séjourné dans quelques autres refuges, il s’établit à une lieue de la fondation primitive, qui s’appela désormais le monastère de Saint-Théoctiste, et accepta de rassembler autour de lui une nouvelle laure, qui prit ensuite le nom de Saint-Euthyme. Ce fut là qu’il rendit son âme à Dieu, en 473, à l’âge de quatre-vingt-seize ans.
Le plus célèbre des disciples d’Euthyme fut saint Sabas qui, après s’être retiré dans une grotte du torrent du Cédron, établit autour en 483 la Grande Laure, faite de soixante-dix cellules, puis, vu la surabondance des disciples, constitua à proximité six autres monastères. Salluste, patriarche de Jérusalem, le nomma archimandrite de tous les anachorètes de son patriarcat. Il mourut en 532, âgé de quatre-vingt-treize ans.
Professeur honoraire de l’université de Reims
Ancien membre du Conseil scientifique de l’université de la Citoyenneté européenne (Conseil de l’Europe)
Ancien professeur à l’Institut Catholique de Paris