Figures de Bethléem, de Gabriel Miró

La Tribune de Terre Sainte vous propose de découvrir, grâce à Anne-Marie Pelletier pour La Croix, la publication de Figures de Bethléem, de Gabriel Miró.

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Le mystère [de l’Incarnation] peut se rejoindre selon une autre approche : celle de la littérature, quand celle-ci vient habiter les scènes de l’Évangile, leur faire don d’un espace de résonance et d’un imaginaire cordial, qui libèrent ce que le récit inclut par allusion.

Une écriture gorgée de poésie

Tel est le cas des pages de Gabriel Miró, magistralement traduites et préfacées ici par Yves Roullière. L’auteur fut une des grandes voix de la littérature espagnole de la première moitié du XXe siècle. Il est rappelé dans l’Introduction son affinité avec un Proust ou une Virginia Woolf occupés à la saisie vive de l’existence dans l’instant présent. Romancier et novelliste, G. Miró fut aussi dans une proximité élective avec les Écritures chrétiennes. C’est ce dont témoigne ce livre, tout petit matériellement, mais qui réjouit les sens et dilate l’intelligence spirituelle.

Bethléem est sa référence. L’expérience des travaux et des jours, des couleurs et des odeurs de la terre d’Alicante, familière à l’auteur, vient nourrir l’imaginaire qui donne présence à l’humble « maison du pain » selon l’étymologie du nom, où l’histoire donna rendez-vous à Ruth, puis à David, avant qu’y naisse le fils de Marie et de Joseph, que viendront honorer les « trois marcheurs » venus d’Orient. Une écriture gorgée de poésie réinvente ici superbement la vie dans une « composition de lieu » toute ignatienne.

[…]

Les « trente années obscures » de la vie de Jésus

Le même petit livre de G. Miró comporte la reprise en finale d’un article de 1922 titré : « La conscience messianique en Jésus ». Ce sont les très mystérieuses « trente années obscures » de la vie de Jésus qui sont ici la matière de la méditation de l’écrivain. Rien à voir ici avec l’imagination intempérante et mythologisante des évangiles apocryphes. La conviction qui porte ces pages a de nouveau une portée profondément théologique : « Il faut reconstituer l’enfance du Seigneur en évoquant la ressemblance de son foyer avec les autres foyers nazaréens, pieux et pauvres », écrit Miro. Là est son lieu, celui de ce que la théologie désigne comme sa « condescendance », cette mieux nommée « descente-vers », par laquelle le très-Haut vient habiter l’humus de la condition humaine. Tout comme, est-il rappelé, le lieu de Jésus, messie d’Israël, aura été ce moment d’une histoire saisie par la grande fièvre messianique, qui active les violences de l’espérance et celles de la répression qui lui répond.

Les dernières pages accompagnent Jésus entrant dans son ministère public. Et entrant dès lors dans l’épreuve de la tentation, celle de croire que sauver l’homme puisse se faire sans souffrir de lui et avec lui. On songe à Péguy et aux pages de son Gethsémani. Ou encore à Bernanos livrant les pensées de Jésus, homme de cette terre autant que du ciel, au seuil de la Passion, dans le Journal d’un curé de campagne. Et on en conclut que la littérature est décidément le relais de la théologie, quand il s’agit de s’approcher au plus près du secret incandescent que professe la foi.

Références : Figures de Bethléem, de Gabriel Miró, présenté et traduit de l’espagnol par Yves Roullière, Lessius, « Au singulier », 2016, 96 p., 8 €.

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