Tribune Septembre 2016 : Le Liban revendique sa part de Terre sainte

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« Tout lieu que foulera la plante de vos pieds sera à vous; votre frontière s’étendra du désert au Liban, et du fleuve de l’Euphrate jusqu’à la mer occidentale. » Ces versets du Deutéronome  (11, 23-24) rappellent la promesse faîte à Moïse par Yahvé sur l’entendue de la terre promise. Ces versets me sont revenus en mémoire, quand, en mai dernier, je fus invité au sanctuaire de Maghdouché, près de Saïda au Liban où le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, et le secrétaire général de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), Taleb Rifaï, présidaient une table-ronde sur l’avenir du tourisme religieux dans la région.

Parmi leurs invités figuraient les responsables ou représentant des ministères du Tourisme et des Antiquités de Palestine, de Jordanie, et même d’Egypte. Chacun avait à revendiquer d’être un morceau de Terre sainte. La Palestine et la Jordanie, on le comprend bien. Mais aussi l’Egypte qui rappelle qu’elle a accueilli la Sainte Famille et qu’elle vient de proposer à la visite touristique et religieuse le périple qu’aurait connu, selon la tradition, Joseph, Marie et l’enfant Jésus, sur ses terres.

« Sur les pas de Jésus au Liban sud »

Le Liban, tient lui aussi à rappeler qu’il est dans son sud une part de la Terre sainte. Dans un article intitulé Pèlerinages vers les lieux saints du Sud-Liban : Relocaliser le Liban en tant que partie de la Terre Sainte, l’anthropologue Nour Farra-Haddad, rattachée à l’Université saint-Joseph de Beyrouth, rappelle qu’il existe « plus de 96 références au Liban dans la Bible ». Les Evangiles enseignent que Jésus est venu au Liban, qu’il y a accompli des miracles à Cana, à Tyr et à Sidon, qu’il y a prononcé des sermons (Matthieu 15, 21-28 ; Marc 7, 24-31), « faisant l’éloge de la foi des habitants et rappelant aux pharisiens un épisode de la vie du Prophète Elie qui, lors d’une famine, a dit avoir été nourri par une veuve de Sarepta, Sarafand de nos jours, au sud de Sidon » (Luc 4, 25-26). Cette mémoire est particulièrement entretenue par la fondation « Sur les pas de Jésus au Liban sud », dirigée par Samir Sarkis. Elle se propose retracer l’itinéraire du Christ et ses étapes dans la région, en s’appuyant sur les textes du Nouveau Testament et de la tradition chrétienne. Afin d’y encourager les pèlerinages et le tourisme religieux et culturel, la fondation se donne également la mission d’aider à l’amélioration des infrastructures d’accueil dans les sites qui portent la mémoire du passage de Jésus.

A l’issue de la table ronde, tous étaient invités sur le parvis du sanctuaire marial de Saydet el-Mantara (Notre-Dame de l’Attente) pour célébrer son inscription officielle sur la carte du tourisme religieux international, promue par l’OMT, rejoignant ainsi ses homologues de Lourdes, de Fatima… Cette inscription manifestait pleinement à cette volonté du pays de faire connaitre ses atouts exceptionnels en matière de tourisme religieux. Selon la tradition, la Vierge Marie aurait attendu dans la grotte de Maghdouché le retour de son Fils parti à Sidon, Tyr et Sarafand, la tradition interdisant aux femmes juives d’entrer sur une terre païenne. D’où ce nom de Vierge de l’Attente.

Contribution à la paix

Depuis plusieurs années, l’OMT porte une grande attention au tourisme religieux. En 2014, d’après ses estimations, « de 300 à 330 millions de touristes visitent chaque année les principaux sites religieux à travers le monde ». Non seulement ce tourisme, dont le pèlerinage est l’expression la plus visible, représente un levier économique à ne pas négliger, mais il apporte en outre, selon l’expertise de l’OMT (CF rapport de Cordoue en 2007), une aide efficace à la protection et à la promotion du patrimoine religieux et une « contribution vitale à la tolérance, au respect et à la compréhension mutuelle entre les cultures ». Autrement dit à la paix. D’autant plus quand les sanctuaires -ce qui est particulièrement vrai pour les sites dédiés à la Vierge Marie- sont partagés par des fidèles de différentes confessions et traditions religieuses, comme l’a souligné Dionigi Albera dans son étude sur les sanctuaires partagés en Méditerranée (Monde de la Bible N°216).

Ce qui est le cas à Maghdouché où, depuis la découverte de la grotte par un berger en 1721, celle-ci est devenue au fil des siècles un lieu de pèlerinage fréquenté par toutes les communautés religieuses du Liban, y compris musulmanes. A l’heure des tensions et des conflits plus ou moins religieux, il est sans doute bon de rappeler que les sanctuaires, au Liban comme ailleurs, demeurent les lieux de prière, de rencontre et de dialogue entre fidèles de différentes traditions religieuses. Des lieux de paix en somme.

Benoît de Sagazan
rédacteur en chef de la revue « Le Monde la Bible« 

Je les ramènerai de la terre d’Égypte, et d’Assour je les rassemblerai ; je les ferai entrer au pays de Galaad et au Liban, et cela ne sera pas suffisant pour eux.  Za – 10 : 10