« Le rêve de Jérusalem », Cardinal Carlo M. Martini : conversations avec G. Sporschill sur la foi, les jeunes et l’Église, Desclée De Brouwer, Paris, 2009.
Le Cardinal Martini qui a quitté ce monde en 2012, confie dans ce livre ce qu’il avait de plus cher : sa foi en Dieu, en l’Homme et en l’Église mais aussi les grands défis qui attendent les Chrétiens aujourd’hui : accompagner la jeunesse, aimer, accueillir la différence. Écoutons cette grande voix spirituelle et faisons-la résonner en nous afin qu’elle dissipe nos peurs et ravive notre espérance. Alors nous réaliserons ce rêve !
Après avoir été archevêque de Milan de 1979 à 2002, le cardinal Carlo Maria Martini a choisi de vivre à Jérusalem, au coeur de cette Terre sainte qui a vu vivre Jésus. C’est là qu’il a rencontré Georg Sporschill, jésuite et aumônier de jeunes, pour lui confier ce qui lui tient le plus à coeur, ses convictions sur l’avenir de l’Église et de la foi. Car, dans nos sociétés en crise, marquées à la fois par l’abondance et la pauvreté, que peut signifier aujourd’hui le christianisme ? Quel avenir pour les jeunes ? Peut-on trouver des signes d’espérance et des raisons de vivre ? Que dirait Jésus face à notre monde ? Comment parler de morale, de justice ou de paix ? L’Église peut-elle changer pour mieux annoncer l’Évangile ? Plaidoyer pour une Église ouverte, ce livre résonne comme le véritable testament spirituel d’un homme qui a profondément marqué le catholicisme de ces dernières décennies.
Extrait (p. 104-107)
Dans la Bible, des hommes, des personnalités sont particulièrement proches de vous ? Aux moments où je me sentais timoré, je pensais à David. Celui-ci a vécu tout ce qui compte dans une vie humaine. Il avait des amis. Il a péché. Il a prié. Il était humble. Il était respectueux et fidèle. Il était téméraire. Il était presque encore un enfant lorsqu’il devait, à Bethléem, garder les brebis de sa famille. Peut-être a-t-il ainsi appris la chose la plus importante pour sa vie : protéger les faibles, diriger les forts, les maintenir tous ensemble. Il devait montrer du courage. Le prophète Samuel se rendit chez son père pour choisir le nouveau roi parmi les huit fils de la maison. Le père les lui présenta tous, sauf le petit David, le plus jeune, qui était allé faire paître les brebis. Le prophète lui demanda où était le petit, que le père n’avait même pas fait appeler. On alla le chercher et il fut choisi comme futur roi. On peut se demander ce qu’il ressentait en se voyant confronté à un tel destin et à une tâche démesurée. Peut-être son ingénuité juvénile l’a-t-elle aidé. Bientôt, il se trouva face aux Philistins hostiles. Leur chef, le géant Goliath, était réputé invincible. David n’avait pas peur; il vainquit son adversaire surpuissant grâce à sa fronde et à son habileté. À partir de ce moment, il dut se battre souvent et montrer du courage. David était aussi un serviteur du roi Saül auquel il devait succéder. Le roi souffrait de dépression. David le divertit à l’aide de sa lyre. Il savait composer des poèmes et de la musique; c’est pourquoi, aujourd’hui encore, beaucoup de psaumes portent son nom. Il dut partir à la guerre pour son roi et combattit avec succès, plus de succès que le roi lui-même. Cela lui apporta l’admiration des gens, et surtout des femmes. Le roi, pour sa part, vit en David un concurrent et devint jaloux de lui. Cependant, le fils du roi, Jonathan, protégea David contre les projets malveillants de Saül. Saül et son fils tombèrent dans une bataille; David les pleura. Dès lors il devint roi, conquit Jérusalem et en fit sa ville. Il libéra le saint des saints, l’arche de l’Alliance, des mains de l’ennemi et l’apporta à Jérusalem en dansant de joie. Il disposait désormais de tous les pouvoirs. Un jour, voyant une belle femme se promener dans le jardin-terrasse de son voisin, il voulut la posséder; il envoya son mari à la guerre, en le plaçant dans une position où il devait forcément mourir dans la bataille. Il prit la femme, Bethsabée, chez lui. Bientôt elle donna naissance à un fils, mais celui-ci mourut en bas âge. David fut inconsolable. Dans son deuil, il prit conscience de son péché et de son immoralité. Il pria Dieu de lui donner un esprit nouveau et stable. Le couple eut alors un second fils, Salomon, qui allait devenir, comme roi, encore plus puissant et plus prestigieux que son père. David rassembla de grands royaumes et fit bâtir à Jérusalem le premier autel pour Dieu. Salomon y fit plus tard ériger le Temple. Malgré tous ses succès évidents, le roi fut affecté durement par les coups du sort frappant sa famille et son peuple. Son fils Absalon se révolta contre lui et l’expulsa du trône. David dut s’enfuir, et l’on se moqua de lui. Sur le chemin passant par le mont des Oliviers, le fou Shiméï lui jeta des pierres et le maudit. Le fugitif royal témoigna de sa grandeur en supportant sa honte et en ne se défendant pas. Après que ses fidèles l’eurent ramené au pouvoir, il les supplia d’épargner dans la bataille son fils Absalon devenu son ennemi. Mais les soldats lui désobéirent et David fut une nouvelle fois inconsolable. Il se lamenta à la porte de son palais où il était revenu. Ses généraux devaient le presser afin qu’il reprenne les rênes du pouvoir. David reconnut aussi sa faute personnelle et fit repentance. Mieux encore, il tira la leçon de ses erreurs et de ses défaites. Ce qui m’attire chez cet homme, c’est qu’il n’a pas montré son plus grand courage dans ses succès, mais dans la manière dont il a supporté les difficultés de la vie, les hostilités et les humiliations. Il a combattu sans faire attention à ses blessures, et il a donné sa vie pour la tâche que Dieu lui a confiée. David ne montre pas seulement aux jeunes gens un modèle de vie fascinant; il pourrait aussi donner du courage à des hommes qui ont des tâches de direction. |
Sources : La Procure (cliquer ici) et Province de France des Jésuites
Carlo Maria Martini (1927-2012), Bibliste de formation et ancien recteur de l’Institut bliblique pontifical à Rome, le cardinal Carlo Maria Martini a choisi d’aller vivre à Jérusalem après avoir été archevêque de Milan de 1979 à 2002. Arrivé à l’étape de la retraite, il a voulu revenir à ses premières amours et s’engager dans la construction du dialogue avec les non-croyants et les autres religions. Le Cardinal avait choisi de passer sa retraite à Jérusalem de 2002 à 2008. Jérusalem était pour lui la ville de son enracinement spirituel et l’engagement de toute sa vie dans l’espérance du Royaume de Dieu, la Jérusalem Céleste.
Mgr Fouad Twal se souvient que « le Cardinal avait choisi une vie discrète sans s’ingérer dans les affaires et la vie du diocèse. » Le Patriarche souligne « la sagesse du Cardinal » qui « malgré une renommée mondiale » avait « évité de toucher aux aspects politiques de la Terre Sainte, préférant consacrer son temps à la prière, aux retraites spirituelles et aux études d’exégèse biblique. » A ce titre, le Patriarche reconnaît que « sa présence était d’une grande richesse spirituelle pour les chrétiens de Terre Sainte.» Le Cardinal a aussi marqué les esprits par « son programme de vie organisé et strict » ainsi que « par sa générosité. » Sa retraite et ses droits d’auteur étaient notamment reversés aux chrétiens de Terre Sainte. « Notre manière de le remercier – confie le Patriarche – est de le rappeler à notre prière. Et du Ciel, nous lui demandons de prier pour cette Terre Sainte qu’il a tant aimée .»
Jésuite italien, le cardinal Martini a été recteur de l’Institut biblique pontifical et de l’université Grégorienne, à Rome, avant de devenir archevêque de Milan en 1979. Lors du consistoire du 2 février 1983, il est créé Cardinal. En 2002, il se retire à Jérusalem et publieVers Jérusalem. Les textes du cardinal Martini rassemblés dans ce recueil éclairent à la fois le choix de l’archevêque de Milan de vivre à Jérusalem et, plus largement, la signification de Jérusalem pour tout chrétien (pèlerinage aux sources de la foi ; Jérusalem, ville entre terre et ciel ; les relations judéo-chrétiennes ; paix sur les murs de la ville.)