
Evêque de Vannes, Mgr Centène présidait ce samedi soir une messe à Sainte-Anne-d’Auray, dans le cadre de la nuit de la Terre sainte, organisée par les Veilleurs de la paix.
Avant l’office, il a adressé un message « de compassion et d’espoir » :
« Face à cette situation terrifiante, nous voulons nous associer au deuil des familles dont des membres ont été victimes de cet attentat. Nous compatissons à la souffrance de toutes les personnes atteintes. Il faut compter sur la foi pour surmonter les difficultés que rencontre notre époque. La France est un grand pays qui saura se relever. »

La Nuit de la Terre sainte se déroule tous les ans à Sainte-Anne-d’Auray en soutien aux communautés chrétiennes d’Orient. Une visio-conférence est organisée à 21 h 15 avec le frère Stéphane Milovitch, supérieur du couvent Saint-Sauveur de Jérusalem.
Après les attentats, la veillée prend une dimension particulière. « Ce qui s’est passé hier à Paris, c’est ce qu’en Terre sainte ou en Orient, on vit depuis des décennies, observe Mgr Centène. […] Hier Paris a connu une véritable nuit de Terre sainte, marquée par la même violence aveugle. »

Nous vous livrons la lettre du père Faysal Hijazen, directeur des écoles du Patriarcat Latin en Israël et Palestine, à l’occasion de la Nuit de la Terre Sainte.
Chers amis de Terre Sainte,
vous voici réunis ce soir en cette basilique de Ste Anne pour prier pour la paix dans notre pays. Merci d’être la, merci d’avoir fait le déplacement pour nous, vos frères si loin.
Ste Anne est souvent représentée comme enseignant à sa fille Marie. En tant que directeur général des écoles du Patriarcat Latin, je crois que l’éducation est une arme de paix. Nos écoles ont pour slogan « dignity is the goal, education is the tool », la dignité est le but, l’éducation en est l’outil.
Plusieurs de nos élèves, depuis le jardin d’enfants jusqu’aux classes de terminales vivent une situation difficile : passage de check-point pour aller à l’école, routes bloquées, harcèlement des soldats, fouilles au corps, humiliation, peurs. Ils se souviennent tous d’au moins un épisode difficile. J’aimerai cité l’exemple des élèves de 16 ans, scolarisés à Beit Sahour, le village des bergers dans le district palestinien de Bethléem. Ils racontent leur premier souvenir de difficultés lors de leur première année d’école, le CP. Ils sont restés enfermés 40 jours chez eux, avec interdiction formelle des soldats israéliens qui passaient dans la rue dans leur tanks jour et nuit de n’être ne serait-ce que sur leur balcons. Toute la famille enfermée sans autorisation de sortir pendant 40 jours. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres ! Quel traumatisme pour ces enfants ! Et chaque école, chaque élève connaît ce genre d’incidents. Sans parler de l’école de Gaza ou un enfant de 6 ans connait déjà trois guerres.
Nous décidons de ne pas éduquer ces enfants dans la haine de l’autre, de l’étranger. Nos enfants apprennent à vivre ensemble, musulmans, chrétiens et samaritains. Nos écoles assistent l’enfant dans la construction de sa personnalité en lui proposant des ponts vers l’autre. Chercher à se construire dans le respect de sa tradition, dans la connaissance de son pays, de sa culture, de son héritage. Mais sans la haine de l’autre.Ste Anne mère éducatrice, a peut-être elle aussi connu des moments d’abattements, de découragement dans sa mission, mais la force et la foi l’empêchent d’abandonner. Nous ne pouvons pas abandonner, nous ne devons pas abandonner l’espoir de la justice, de la paix pour nos enfants.
Vous entendez parler de la violence, des attaques, des problèmes en tout genre. J’aimerai que vous connaissiez les sourires de nos élèves, que vous entendiez les cours de récréations qui sont pleines de rires, d’amitié. Oui nos enfants souffrent chaque jour dans l’indifférence mondiale. Oui chaque enfant dans sa famille connaît un membre disparu, décédé, emprisonné. Mais chaque enfant par ses propres épreuves développe une force incroyable, développe le don de survivre et de vivre. Chaque enfant ici a la force de croire dans un monde plein de violence et de haine que demain sera meilleur.Par amour, ne nous abandonnez pas, priez pour nos enfants, qu’ils ne grandissent plus dans la violence et les brimades mais qu’ils grandissent comme un enfant devrait grandir : dans l’insouciance et la légèreté, sans se demander s’il va rentrer à la maison après l’école ou s’il sera abattu de sang-froid si on le croit armé. Par amour, ne nous oubliez pas, merci d’être là ce soir, c’est un signe fort d’espoir pour nous et nos enfants.
Père Faysal Hijazen
Directeur Général des écoles du Patriarcat Latin en Israël et en Palestine.
Sources : Ouest France et les Veilleurs de la Paix