Tribune MAI 2015 : De la Croix au Noun

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Les Chrétiens de Terre Sainte fêtent la découverte par Sainte Hélène de la Croix du Christ, au lieu de l’actuel Saint Sépulcre. © MAB

« Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem, Comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon.» Cantique des Cantiques 1, 5

La liturgie de Jérusalem nous emmène en ce mois de mai au Saint-Sépulcre pour une fête qui n’existe plus en dehors de la ville sainte : la fête de l’invention de la Croix (1).

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Lieu de la découverte de la Croix au Saint Sépulcre de Jérusalem. © Custodie de Terre Sainte.

Dans une chapelle, située en contrebas du Calvaire, où selon la tradition sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin, aurait retrouvé la croix du Christ, de jour et de nuit les prières vont se succéder les 6 et 7 mai. Tandis que la chapelle est parée pour l’occasion de tentures, et que la relique de la Vraie Croix accompagne les prières, la liturgie se déploie dans sa beauté à la Gloire de la Croix.

Le signe d’infamie que représentait la croix est devenue littéralement un objet de fierté pour les chrétiens. Pour nos voisins juifs et musulmans, elle demeure un signe de contradiction.

Un pèlerin m’a récemment interrogé sur la perception que les chrétiens d’Orient pouvaient avoir du Noun, cette lettre arabe que les membres du prétendu Etat islamique peignent sur les demeures des chrétiens irakiens. Ce pourrait-il qu’ils (les chrétiens arabes) l’arborent dans les rues de Jérusalem comme le font les européens sur leurs T-shirts, pin’s ou autres produits commerciaux vendus en leur faveur ?

Les juifs des Etats-Unis ont-ils porté l’étoile jaune en signe de solidarité avec les juifs d’Europe dans les années 1940 ? Un juif iranien aurait-il aujourd’hui l’idée de porter l’étoile jaune pour manifester sa solidarité à son peuple ?

Autant notre solidarité avec les Chrétiens d’Orient est absolument nécessaire et plus que jamais, autant le mystère de cette coupe qui leur est donnée à boire n’appartient qu’à eux. Sachons que nous resterons toujours sur le seuil de leurs angoisses, de leurs douleurs, de leurs difficultés. Elles appellent d’autant plus notre vigilance et notre délicatesse pour les soulager.

J’écris ces lignes de Jérusalem et je ne peux m’empêcher de penser à un autre « signe » que d’autres portent sans l’avoir choisi : la couleur de leur peau. En ce début de mai, Israël est secoué de la révolte des juifs éthiopiens du pays qui souffrent de racisme au motif qu’ils sont noirs. J’oserai le parallélisme en pensant aussi aux migrants venus d’Afrique qui vivent ici, comme à ceux qui meurent dans les eaux de la Méditerranée qui bordent nos cotes.

Nous qui avons fait d’un signe d’infamie le manifeste de la victoire du Christ, nous ne pouvons pas permettre qu’un signe frappe d’infamie un être humain que le Christ a sauvé par sa croix et sa résurrection.

« Ô seul espoir, ô Croix, salut ! Par Hélène, ici retrouvée,

par ta croix sauve et guide les égarés, Dieu, par ta grâce ! » (2)

pour la Tribune de Terre Sainte,

Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre Sainte Mag

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1. Tenue pour un doublon avec la fête de la Croix Glorieuse du 14 septembre, la liturgie de Vatican II l’a supprimée en dehors de Jérusalem.

2. Parole du Pange Linga, de Venance Fortunat, célébration des Vigiles en la fête de l’Invention de la Croix.